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La démocratie participative dans les processus de fabrication de la ville durable

publié par Pierre Mahey. Dans le sujet "Participation".

nullIntervention de Pierre Mahey au colloque Petrafolia à Marseille le 11 juin 2009. La ville depuis 8000 ans se construit à partir d’une nécessité qui est de faire société. Cette nécessité n’est plus considérée comme première. Les grandes figures d’évolution de la ville autour de la mobilité ou de la résidentialisation produisent une ville de la fracture. C’est une tendance que confirme le fonctionnement de la démocratie qui ne donne accès à l’espace public qu’à une catégorie de personnes. Peut-on envisager la construction d’une ville durable sans prendre en compte cette situation qui mène à la barbarie ? Il faut redonner accès à l’espace public démocratique et urbain, la ville durable est une ville qui fait société avant tout.

Faut-il envisager le bidonville durable?

Il est bien entendu que l’idée de développement durable, même si elle intègre l’idée de planète bleue, de conscience des ressources, de protection de la nature, c’est bien la question de la ville durable qui est en jeu. Le nombre d’habitants des villes est désormais majoritaire et les villes ont conquis une part du paysage terrestre déterminante pour celui-ci. Prononcer ces deux mots côte à côte nous parle immédiatement d’isolation en chanvre, de déplacements doux réduisant les productions de CO2, un contrôle de l’approvisionnement en eau, une gestion des déchets plus performante… Il est bien naturel que chacun surveille attentivement l’amélioration des financements de l’aide publique qui permette autant aux collectivités locales qu’aux particuliers de devenir des militants de la ville durable par l’investissement vers la production d’énergies renouvelable ou l’achat de bicyclettes. Plus de projet urbain sans qu’on installe au cœur des intentions des solutions pour résoudre la question de la mobilité de façon durable. Et les meilleurs communicants commencent à énoncer l’idée que mieux-vivre est synonyme de durable, surtout en matière d’urbain. Il me faut toujours citer Paul Blanquart, qui dit si simplement, le dessin de la ville est toujours issu du dessein de la société qui la produit. Et donc voici qu’une société enfin consciente élabore le dessein du mieux-vivre et dessine la ville durable… Les 21 points des agenda 21 trompettent le changement radical, le Grenelle égraine les subventions et primes aux bons élèves, l’espoir renaît. Bien sûr, quelques prévisions urbaines sont encore encombrantes, on parle du passage rapide de un à deux milliards le nombre d’habitants des bidonvilles. Faut-il commencer à travailler le concept de bidonville durable ? Et faut-il, à mesure qu’apparaissent les aides au durable, qu’on amaigrisse, par exemple les aides au logement ? Faut-il aussi que ce soit toujours le 21ème point des agendas qu’on désigne par "volet participatif" ? Au fait, quel est réellement le dessein de notre société ? Ne vous fiez pas trop à ma vision ethnocentrée, je n’ai sans doute pas suffisamment de vision globale, je suis sous l’influence des territoires et des populations que je côtoie physiquement tous les jours, je veux parler des quartiers fragiles. Je veux parler des plus fragiles, des précaires, des jeunes en banlieue. Mais ne seraient-ce pas des territoires et des populations prémonitoires ? Vu de là-bas, la ville se modifie, se transforme et j’ai repéré deux grands principes qui agissent en parallèle. Le premier, que les bailleurs sociaux appellent résidentialisation, recompose la ville sur elle-même en unités d’habitation aux dimensions plus petites, plus humaines, plus maîtrisables et où l’on sent l’influence forte de l’idée de mieux vivre. La seconde est la refonte de la ville sur la question de la mobilité, créant des espaces sans référence dans l’histoire de la ville, vastes, déconnectés de la ville traditionnelle, capables de gérer d’énorme flux de population ou de véhicules pour qu’on ne perde plus de temps à rentrer dans sa résidence. Reste-t-il place à l’espace public ? La société qui dessine cette nouvelle ville est celle d’une individualisation importante, chaque trajectoire "libre" écrit son parcours propre sans trop dépendre d’une quelconque collectivité au-delà de la famille, lieu du "bien-vivre". La démocratie qui écrit le contrat social de cette société est conduite par des élus qui le sont de père en fils, avec d’énormes quantités de population qui ne sont plus jamais représentées dans l’espace public de la République. L’accès au pouvoir se fait désormais par un ascenseur à clefs, certains ont la clef, d’autres pas. Chacun chez soi. Certains entre eux décident, d’autres, entre eux habitent, survivent. La société conforte chacun à trouver celui qui lui ressemble pour peut-être se défendre des autres. Les tribus nomades de nos ancêtres qui évitaient de se croiser dans la vaste nature sous peine de s’entre déchirer sont maintenant urbaines. Chacun se défend avec ses moyens, la clôture et la caméra de surveillance pour les uns, la bande pour les autres.

Paradoxalement, nos sociétés n’ont jamais été aussi diverses dans leur composition. Les grandes migrations se multiplient et les plus fortes sont à venir. Il n’y a pas loin à ce que certains accusent d’ailleurs ces phénomènes migratoires inéluctables de ce retour à la barbarie. Mais qu’est-ce qu’on a raté ? La ville durable serait-elle un leurre, un mirage ? Il me semble qu’on a oublié la principale raison de la ville. La ville n’est que par sa capacité à permettre l’altérité. Depuis huit mille ans, les tribus ont eu besoin de la ville pour faire société. La ville, et avant tout son espace public a pour raison d’être de permettre à chacun de rencontrer l’autre sans devoir le tuer. De rencontrer l’autre pour échanger, commercer, se battre contre la consanguinité, grandir en culture et en connaissance mais à condition de se supporter. Seul l’espace public permet de cohabiter avec l’autre. Il n’y a que la ville pour permettre cette rencontre des étrangers, des étranges. Et la démocratie n’est sans doute rien d’autre que le dessein d’une société qui pour garder, créer sa cohésion dans l’altérité, a besoin de donner place à chacun dans l’établissement de son organisation, son contrat social. La résidentialisation, c’est donner la primeur à la tribu. La mobilité, c’est donner la primeur à l’individualisation. La ville durable, alors qu’on est aux portes des plus grands brassages humains, c’est permettre l’altérité pour imposer la cohésion sociale. L’ingrédient le plus important de la ville durable, c’est l’espace public. L’ingrédient déterminant d’une démocratie durable, c’est l’acceptation de tous dans l’espace public de délibération. C’est pour moi la raison d’être de l’idée de participation, seul moyen de renouveler une démocratie qui s’étouffe dans l’entre soi. Est-ce que le Grenelle prévoit de construire, avant les panneaux photovoltaïques, des espaces de délibération ouverts à tous et surtout où tous sont présents ? Sinon, on n’a pas besoin des panneaux photovoltaïques.